dimanche 6 novembre 2016

Le non-soleil de Delhi (la lune n'en parlons plus)


Reverra-ton jamais le soleil à Delhi ?
J’avais envie de rester tranquillement quelques jours à Delhi, écrire, me balader un peu et rencontrer quelques amis. Mais d’être littéralement saisie à la gorge du matin au soir dans une atmosphère grise, visqueuse et piquante ne donne guère envie de rester dans la capitale.
Alors que fait-on ? En France on part vers le Sud, ici ce sera vers le Sud-Ouest, le Rajasthan et toujours plus à l’Ouest, à Jaisalmer, cette merveilleuse forteresse du désert. Là je peux espérer avoir un peu d’air pur s’il n’y a pas trop de patrouilles aériennes le long de la frontière pakistanaise.
Mais avant cela il faut aller à la gare, et malheureusement celle de Old Delhi, alors que mon hôtel est à une « walking distance » comme on dit ici de la gare de New Delhi. Une demi-heure de trajet si tout va bien, une heure s’il y a des embouteillages. Et si en plus le conducteur du taxi ne connaît pas le chemin, le tout cumulé ce sera une heure trente. Quelle bénédiction d’avoir pris deux heures de battement pour faire ces cinq kilomètres. Sinon j’aurais été angoissée tout le long du chemin, coincée entre les charrettes à bras chargées de colis monumentaux, les taxis voitures, les autres rickshaws tous bord à bord et mon chauffeur qui se levait de temps en temps de son siège et demandait mine de rien où était la gare… mais j’aurais dû m’en douter car il est parti dès le début en sens inverse… je me suis dit qu’il connaissait peut-être un raccourci et puis, je ne suis quand même pas du coin pour lui dire où passer. C’est là où j’ai béni mes deux heures d’avance. L’écharpe coincée devant le nez, je me suis plongée dans un Sudoku pour éviter de voir qu’on n’avançait pas, que mon chauffeur angoissait un peu mais dans le rétroviseur il me voyait tout à fait cool donc ça l’a rassuré. Je n’ai pas hurlé : « mais dépêchez-vous, je vais rater mon train ! »  car même si je l’avais fait qu’est-ce que ça aurait changé ? je n’ai jamais vu un tel embouteillage de ma vie. D’habitude, ça bouchonne mais ça finit par bouger un peu. J’aurais, bien sûr, été plus vite à pied, mais le problème est : où passer quand on veut aller à pied ? Non, il n’y a aucun endroit où poser les sandales… et encore moins faire rouler une valise. Pour pouvoir traverser la rue, ce qui devenait un exploit digne de Superman, il faut escalader par-dessus les vélos-rickshaws, devenir serpent pour ne pas se faire coincer le haut du corps par un vélo, le bas par une charrette et les bras entre des paquets ficelés disposés en équilibre sur un énorme diable. Les entrelacs de pare-chocs, de roues de toutes sortes, de pattes de buffle tachetées de curcuma (ils avaient été à la fête) et de Royal Enfield formaient un fouillis fumant, bruyant, puant et inextricable.
J’ai bien regretté plusieurs fois de n’avoir pas mon appareil photo à portée de main.
Le rickshaw à peine arrêté enfin devant la gare, un porteur se présente que je m’empresse d’accepter, cela va m’éviter de chercher le quai, de porter mon sac dans les escaliers (toujours pas d’escalators dans cette gare) et s’il y a des changements il le saura. Effectivement, le numéro du train est annoncé sur le quai 9 et au bout de cinq minutes le train arrive sur le quai 8. Mon porteur revient gentiment me trouver, prends mon sac, me dit que c’est ce train là que je dois prendre et me monte le sac dans le wagon jusqu’à ma place. Une façon comme une autre de me forcer la main pour lui donner 50 roupies de plus mais je le fais avec plaisir et je reçois en retour un merveilleux sourire et un petit au-revoir de la main. Pour moins d’un euro de plus je suis bien installée et j’ai fait un heureux car quand on voit comment certains Indiens chipotent sans arrêt en traitant les porteurs comme des esclaves, je me dis que je peux éviter de faire la même chose.
J’ai une couchette en haut, c’est parfait, cela me permettra de faire la grasse matinée ! Un monsieur arrive, il a la couchette du haut en face, puis une famille de trois et le monsieur me propose une couchette en bas au début du wagon. Mais pas question de changer maintenant que je suis bien installée. Et en plus la couchette 3 c’est juste celle à côté de la porte du wagon, donc jamais tranquille pendant la nuit avec tous les gens qui passent pour aller aux toilettes. Voyant que je ne bougerai pas le monsieur d’en face accepte de changer pour que la petite famille soit ensemble. Famille de militaire, donc aisée, probablement rajpoute. La fille, dix ans, coiffe aussitôt son casque, sort son ordi et regarde un film. La jeune femme, en jeans, cheveux noirs mèchés de doré, sort sa tablette et regarde une émission débile où ça rigole toutes les 7 secondes, et sans casque… mon regard un peu insistant fait qu’elle baisse quand même le son.
Soup, tomato soup, ça y est le service de dîner commence à passer dans le couloir, bientôt 19 h, un autre va passer pour prendre les commandes des repas, les vendeurs de bouteilles d’eau, de biscuits apéro, de thé au lait passent en courant dans le couloir ou en traînant sur les mots pour qu’on ait le temps de les appeler.
C’est la vie dans le train de nuit. Et demain matin ça va reprendre pour le thé, quasi au lever du soleil, car lui, va enfin pouvoir se lever, loin de Delhi.

Le soleil je ne l'ai pas vu se lever car j'étais dans le train, mais se coucher, oui,
du haut de la forteresse de Jaisalmer ! ça fait du bien...

2 commentaires:

  1. Ah le service est beaucoup plus varié dans les trains couchettes que dans les bus couchettes où nous avions tout au plus, une petite bouteille d'heure pour la dizaine d'heure de route de nuit...
    Mais bon, on ne va pas se plaindre quand on peut dormir couchée hein, parce qu'en général on en écrase tellement, chaleur, monde, bruit ?
    D'ailleurs ça devait être quelque chose ton embouteillage, j'imagine tellement bien le gymkana entre pattes, pieds, têtes et objets en tout genre jonchant le sol OMG :(
    Courage, le soleil au bout du voyage !

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  2. Non seulement le soleil mais aussi les touristes indiens ! jamais vu autant de monde à Jaisalmer : c'est la semaine de vacances pour Diwali alors l'Inde entière ou quasi, voyage dans tous les sens !

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