dimanche 24 février 2019

Musique persane et cavalcade endiablée à Jodhpur





le fort de Jodhpur tout illuminé pour le festival

 
déjà l'entrée dans le fort nous prépare à la magie du lieu
Après le raga du lac, me voici donc dans le fort pour écouter avec un plaisir sans mélange de la musique persane. Un chanteur et quatre musiciens iraniens, très intériorisés pour nous faire partager une poésie que je ne comprends pas avec l’ouïe mais avec le cœur, tellement elle me touche profondément dans ma sensibilité profonde. 

Shiraz - Iran
Cette musique semble mettre comme une blessure à l’âme, une petite déchirure, une attente à peine douloureuse. Ce n’est pas de la souffrance comme dirait le jeune Werther mais une acceptation fatale de la mélancolie de l’existence qui donne une beauté et une grandeur au chant.
Comme il est difficile d’exprimer ce que l’on ressent lorsque c’est triste mais pas triste, romantique mais pas romantique, une émotion que l’on savoure douloureusement avec enchantement.

la cour où se tenaient les musiciens iraniens
Il nous faut laisser cette petite cour perchée quasiment en haut du château pour rejoindre l’immense Zénana Deodi Courtyard où vont se produire Mathias Duplessis et les violons du monde. Visiblement c’est LE spectacle du festival. La foule arrive bien en avance, les chaises remplissent tout l’immense espace et les projecteurs font passer les murailles du rouge au bleu.
Mathias Duplessy et Aliocha
Je ne connaissais pas Mathias Duplessy mais c’est franchement un homme hors du commun, un fou dingue de musique, un taré de la guitare, un omnubilé des sons nouveaux, inédits, surprenants. Il partage cette folie avec trois autres musiciens : le Suédois Aliocha qui joue de l’ethnu nuckelharpa, le Chinois Guo Gan, qui l’accompagne avec son instrument à deux cordes le erhu, le Mongol Epi ou plus simplement Dandarvaanchig Enkjargal, qui joue du morin khuur.

Guo Gan et Epi
La soirée a été une folie, c’est peu dire… ils ont joué ensuite avec Sabir Khan et son sarangi, avec toujours autant de plaisir. Et de fait, pas eu envie de continuer la soirée pour rester dans cette ambiance survoltée et innovante que Mathias Duplessy a su nous faire partager. Dommage pour les musiciens suivants qui offraient jusqu’à minuit leur récital de chants du Rajasthan


Tous les spectacles ont pu nous faire apprécier des musiciens exceptionnels et qui ont tous su s’adapter pour jouer avec des musiciens indiens qui eux aussi ont su prendre le rythme et l’ambiance de leur partenaire. 

Mathias Duplessy et les violons du monde

Le lendemain pour Yom le clarinettiste, ébloui de la beauté du lieu où il jouait au soleil levant, on a bien senti le plaisir et l’attention bienveillante pour jouer ensuite avec un groupe de musiciens du Rajasthan.

Yom exprimant son bonheur de jouer dans ce lieu extraordinaire. Quel artiste
n'en a pas rêvé un jour ?
 
Yom jouant avec les musiciens du Rajasthan

Ce festival a été un véritable bonheur permanent qui m’a permis de découvrir de très nombreux talents dans des lieux choisis pour leur beauté qui ne pouvaient qu’inspirer admirablement les artistes présents.


samedi 23 février 2019

Ragas du soir au Festival de musique de Jodhpur


le lieu choisi pour les ragas est unique, des matelas sont généreusement disposés
tout autour sur les rochers, ainsi que des chaises, à nous de choisir ce qui nous plait
 
Le raga... Rendez-vous à 17 h 30 au petit lac près du mémorial des maharajahs, Jaswant Mahal, près du Fort de Mehrangarh... C'est un peu comme un rendez-vous amoureux, le lieu est magique, les artistes sont absolument enchantés de pouvoir jouer dans un environnement aussi inspirant, le public est quasiment conquis d'avance et profite pleinement et du lieu et de la musique.
Le Jaswant Mahal doré par le coucher du soleil
Le premier soir, un jeune violoniste Ambi Subramaniam,(né en 1991) vient nous présenter le raga bilahari, avec un chant pour le dieu Krishna (raga Pilu). 

Ambi Subramaniam and the Hamira Kamanchiya Ensemble,
Musique qui transporte, au-delà des collines qui se voilent d'or au fur et à mesure de la progression du raga, un véritable enchantement.


Le raga près du lac, ce deuxième soir, est un chant « typical khayal », classique hindoustani alors que la veille nous avions eu un violoniste virtuose pour un raga carnatique de l’Inde du Sud.
une partie des spectateurs, installée confortablement sur des matelas
C’est là où on comprend que sans la culture spécifique, l’accès à la musique indienne et surtout au chant classique, est loin d’être évident. L'introduction, âlâp, est assez courte, puis vient le tabla qui entre en action, avec d'abord une partie lente, le chant est un chant d'amour et de dévotion au dieu Krishna. Mais petit à petit, l’ennui me gagne à entendre des vocalises infinies et des trémolos dans la voix.

Mohammad Aman, chanteur, son père et ses deux frères
Les Indiens applaudissent de temps en temps, plein d’enthousiasme, mais je ne sais pas pourquoi. De fins connaisseurs, à coup sûr !
Les artistes, le jeune chanteur Mohammad Aman, a priori peu connu, est accompagné de son guru de père, les traditions se transmettant de père en fils (ou fille parfois) le plus souvent ou un disciple fervent, doué et discipliné s’il n’y a pas d’enfant pour prendre la succession.

Un de ses frères l’accompagne aux tablas, son père à l’harmonium et un autre frère au sarangi. Une belle affaire de famille. Des musiciens excellents.

Ce n’est qu’avant de monter sur l’estrade que l’artiste va donner le titre du raga en fonction qui le sait ? du lieu où il joue, de son humeur du moment, de la température, des spectateurs et peut-être du nombre de pigeons volant en boucle au-dessus du lac. Lui seul décide et donne alors le titre à la présentatrice et comment jouer à ses musiciens.
Pour en savoir plus sur ce musicien (et malheureusement pas de video possible car elles sont toutes privées !)
https://limda.eu/mohammed-amaan-classical-indian-singer/

Hier soir comme ce soir, les musiciens remercient l’organisation du festival pour pouvoir jouer dans des lieux aussi magiques ainsi que les spectateurs présents.

A mi-parcours, je m’en vais pour aller au Fort chercher une bonne place pour le spectacle suivant : la présentation de la vie de MiraBai, grande poétesse mystique du XVIe siècle.

et maintenant, où se passe le prochain spectacle ? Mais là-bas, au Fort !


vendredi 22 février 2019

Guitare, cornemuse et raga au Festival de Jodhpur


Après les frères soufis du Rajasthan, est venu un guitariste argentin virtuose qui nous a régalé : Lautaro Tissera Favaloro, rythme argentin qui nous fait nous envoler du Rajasthan à l'Amérique latine.

pour écouter la guitare de Lautaro..


Dans la foule, le maharajah de Jodhpur est là, incognito et pas loin de moi.. Il a quand même le fauteuil spécial India...
le maharajah de Jodhpur est venu assister au concert
 Après il y a eu un groupe incroyable qui a mis une ambiance de danse et tout le monde s'y est mis ! Musique celtique écossaise, cornemuse, violon, le groupe Rura qui vous donne des fourmis dans les jambes ! vous pouvez écouter leur musique sur la video...
Rura, groupe celtique écossais
même les Sikhs se sont mis à danser !
Le soir, l'ambiance merveilleuse du raga au bord du lac (à suivre)













Darbari Qawwali au Festival à Jodhpur



Au pied de la forteresse de JODHPUR, à l'ombre des murailles
en descendant sur le jardin petit coup d'oeil sur la ville bleue qui s'illumine de soleil
Dans un lieu évidemment magique comme l’Inde sait et peut en offrir débute le World Sacred Spirit Festival à Jodhpur, grande ville du Rajasthan. Deux journées de programme intenses à des prix peu abordables pour la majorité de la population indienne. Mais les riches Indiens cultivés eux, ont répondu présents.

les panneaux du programme du Festival
assis pas loin de moi, le maharajah de Jodhpur quasi incognito
 Les concerts sont tous en plein air, la saison s’y prête, dans des cadres spécifiques et bien choisis soit à l’intérieur du fort de Jodhpur soit tout près pour faciliter les déplacements à pied.

petit aperçu de la foule au petit matin
Le Chowkelao Garden accueille les programmes de la matinée, dont le premier jour, un groupe de musiciens du Rajasthan, un guitariste argentin et même de la cornemuse écossaise ! Le bonheur c’est qu’après avoir écouté ces musiciens, ils mélangent ensuite leur musique, leurs rythmes et c’est une surprise heureuse que de les voir s’écouter réciproquement pour nous offrir des spectacles réellement enthousiasmants !

Darbari Qawwali - Andaaz Brothers, Rajasthan
A dix heures, c’est le moment pour le Darbari Qawwali de s’installer, avec les Andaz Brothers de Jodhpur. Cette famille qui vient originellement de Nagaur une ville proche de Jodhpur est connue pour être un fief de la musique soufie et les traditions séculaires de cette famille se sont conservées.
Cette musique enthousiasme visiblement les Indiens musulmans de l’assemblée et il y a de fins connaisseurs chantant et manifestant leur connaissance du rythme et sont quasiment prêts à entrer en transe.

Il est vrai que pour ma part, au bout d’une demi-heure de chant se produit une sorte de tourbillon au niveau du cœur qui enivre complètement…
Les musiciens et chanteurs maîtrisent avec brio les élans qu’ils veulent donner à la foule et l’ambiance se réchauffe à toute allure mais ne brûle jamais car ils manient aussi bien le retour au calme avant de  ré-enflammer encore et encore les spectateurs pleins de ferveur.

L’art sublime de chauffer la salle avec la ferveur mystique et l’humour. Malheureusement je déplore le manque total de traduction pour les étrangers… Nous aurions pu encore mieux apprécier !




mercredi 13 février 2019

Promenade dans Jaisalmer


Se promener dans cette vieille ville que ce soit à l'intérieur du Fort ou dans la ville basse, est toujours un vrai plaisir pour les yeux et pour le coeur avec les rencontres que nous y faisons. Nous aimons discuter avec les femmes qui prennent le soleil sur le pas des portes, avec les commerçants qui nous alpaguent au passage mais qui finissent par nous offrir une tasse de thé et nous raconter leur vie. Comme "Ali Baba" qui, au mois d'août pendant une terrible pluie de mousson a vu disparaitre trois femmes de sa famille dont la sienne, dont la voiture a été emportée par les flots ! Un vieillard de 90 ans lui a dit qu'il n'avait jamais entendu ça de sa vie... là aussi, changement climatique ?
tous les jours, des groupes jouent aux cartes, une sorte de belote à 3 partenaires
la marchande de légumes de la petite place centrale dans la rue principale

presqu'en face de la pâtisserie qui fait des gâteaux incroyables de couleurs pour
la Saint-Valentin ! Je pense que la tourista est quasi garantie...

Nous discutons, prenons parfois des photos et allons le lendemain leur donner la photo papier tirée chez le photographe... nous avons fait cela avec notre marchande de"biscuits apéritif" faits à la farine de pois chiche et qui nous a fait goûter tout ça avant de lui en acheter.
tout pour l'apéro !

Devant les superbes havelis construites par les riches marchands des caravanes d'épices et d'opium au XIXe siècle, le marchand de marionnettes boit son chaï, thé aux épices et nous montre ses marionnettes "fait maison" qu'il nomme "samedi-dimanche" car elles se retournent de haut en bas et changent de visage et de tenue...

les magnifiques balcons ouvragés en pierre jaune du désert squattés par les pigeons
le marchand de marionnettes boit son thé aux épices
Jaisalmer était la première halte bienvenue pour les caravanes venant du Pakistan et un magnifique caravansérail a été transformé en hôtel, mais ça ne déborde pas d'activité. Un garçon prend le temps de tout nous faire visiter, nous emmène sur la terrasse pour la vue magnifique, et nous montre la piscine, qui, si elle est pour le moins originale n'en est pas moins crasseuse. Dommage pour l'image de marque...
pour faire une petite brasse de princesse du désert...  et ne pas craindre les mycoses
les emplacements pour les dromadaires sont maintenant transformés en café chic
le grand jardin permet une tranquillité appréciée

A la sortie de l'hôtel caravansérail, un énorme zébu occupe la place ! mais il a l'air bien placide. Il faut cependant faire attention dans les petites ruelles car un coup de cornes pour avoir la place pour passer est vite donné !
pour passer, faites le tour...
mais surtout laissez leur la place !

mardi 12 février 2019

Mini safari dans le désert du Thar

vue générale sur la citadelle de Jaisalmer avec ses 99 tours...

Après 18 h de train entre Delhi et Jaisalmer la belle forteresse du désert pas loin de la frontière pakistanaise, nous allons dans notre petite guest-house à l'intérieur du fort, dans une vieille maison traditionnelle, avec juste trois chambres, chez Shiva Café et Guest House. Je connais Shiva depuis de très nombreuses années et c'est toujours un plaisir de le retrouver. Il m'a souvent emmené un peu partout pour me faire découvrir les villages alentour, sa mère, sa sœur puis sa femme et ses enfants... que ce soit en moto ou en jeep.
Cette fois nous partons à quatre en début d'après-midi dans une diagonale du désert entre Kuri et Sam qui sont les deux pôles les plus touristiques autour de Jaisalmer pour faire découvrir le désert du Thar qui est un semi-désert et la promenade à dromadaire. Avec Shiva, pas de souci, ce ne sera pas comme tous ceux qui attendent les touristes à la porte du fort et qui promettent pour le safari le repas de fête, le vin, les danseuses... avec cinquante personnes autour et des tentes parfois climatisées dans un campement bétonné.
dans le village des chameliers une petite fille vient nous présenter sa chevrette

Pour nous ce sera beaucoup plus simple et c'est ce que recherche certaines personnes davantage intéressées par l'authenticité et la tranquillité du désert.

village du désert avec les maisons peintes par les femmes. Petit four pour la cuisine
Après une quarantaine de kilomètres de pistes nous arrivons dans un petit village traditionnel où Shiva retrouve ses copains qui nous attendent avec quatre dromadaires pour deux heures de marche au pas balancé de ces "vaisseaux du désert".
du haut de ma selle, vue de dos...
notre sympathique chamelier vu de face
et les pattes de nos chameaux vues de dessous...
Au bout d'un quart d'heure je décide de descendre de ma bestiole pour marcher et laisser ma place à mon guide. Je me sens mieux sur la terre ferme plutôt que de sentir mes vertèbres lombaires se balancer d'avant en arrière...

Nous faisons une pause à mi-chemin pour ramasser des branches de bois mort et sec pour le feu de ce soir et faire la cuisine tout en laissant nos chameaux faire un petit goûter dans les buissons.
pause à mi-chemin pour ramasser le bois mort


transport du fagot pour la cuisine du soir après la "pause cueillette du bois"
les ombres s'allongent sur le sable, nous sommes bientôt arrivés


Nous arrivons au lieu du campement. Shiva est déjà là avec la jeep et tout le matériel.
la petite hutte des chameliers, et les couvertures derrière la barrière protégeant du sable
Visiblement chaque personne organisant ce genre de safari se partage équitablement les dunes pour que chacun soit invisible aux autres afin de conserver une certaine intimité pour chaque groupe et prendre soin de ce petit bout de désert en évitant de laisser traîner papier et bouteilles en plastique.
préparation du repas

Nous allons faire un tour pour apprécier le soleil qui se couche au-delà des buissons épineux que semblent apprécier nos chameaux entravés pour la nuit. Un magnifique coucher de soleil comme film de 20 heures, c'est quand même mieux que Zemmour...
sur la dune au soleil couchant
la nuit tombe, les chameaux se reposent avant de partir dans la nuit à la recherche de buissons

Les deux chameliers préparent le repas, nous font un petit apéritif avec des pakoras, beignets de légumes délicieux et du thé aux épices. Le feu de bois crépite sous la casserole au fond noirci de fumée et nous dégustons dans la nuit tombée un excellent thali, plateau comportant riz, lentilles, légumes et sauce aux piments verts pour les amateurs ! Comment ont-ils fait pour nous préparer tout ça sur leur petit feu de bois ?

notre repas végétarien, cuit au feu de bois... un vrai régal !
Nous discutons (en anglais) sur les traditions amoureuses et le mariage dans nos cultures respectives, c'est bientôt la Saint-Valentin ! façon de faire passer quelques idées aussi sur l'égalité homme-femme...

Puis nous allons rejoindre nos couvertures et nos duvets qui nous attendent derrière une palissade d'entrelacs de bois et de branchages entourés malheureusement de gros plastique noir mais qui nous évitera cette nuit d'être recouvertes de sable... car le vent souffle, quelques nuages s'alignent mais dès que le croissant de lune disparaît à l'horizon le ciel se dégage et ce sont les milliers d'étoiles qui scintillent dans le ciel profond.
Je sens le vent et l'entend comme des vagues d'un océan lointain qui me berce, vois passer quelques satellites, de petites étoiles filantes, la ceinture d'Orion... mes yeux se ferment malgré moi  mais s'ouvriront encore souvent pour admirer ce spectacle auquel nous n'avons plus droit chez nous à cause de la pollution lumineuse.

Le lendemain, hop dès le matin, lève toi, rien ne sonne... mais le soleil se lève et rosit les dunettes. Petit déjeuner, orange, banane, biscuit et thé nous réchauffe car le fond de l’air est frais. Nous plions les couvertures et l’un des bergers va chercher les chameaux qui avaient pris la poudre d’escampette pendant la nuit.
notre caravane de retour dans la lumière matinale
nous croisons quatre femmes dans le désert, d'où viennent-elles ? où vont-elles ?
c'est le secret de la vie du désert...
Je continue à préférer la marche à pied ce qui me permet de faire quelques photos. Nous retrouvons le village du départ, disons au-revoir à nos guides et reprenons la jeep pour rentrer à l’hôtel.