samedi 26 novembre 2016

TRADITIONS


Les 7 personnages principaux : J. mon amie indienne, son fils H1 et sa jeune femme H2, G. la sœur de J. et ses deux enfants : une fille C. 22 ans et un fils 7 ans ½, et moi. Je leur ai promis l'anonymat !
Une voiture Suzuki Maruti de 5 places.

Si nous étions partis à 9 h comme prévu nous aurions dû arriver à l’heure à laquelle nous sommes partis. Mais voilà, c’est l’Inde et ses retournements, ses virevoltes, ses changements et ses accès d’humeur. Chacun passe du temps à manger, à préparer des plats, et de thé en petit déjeuner, de parata en dosa, nous arrivons gentiment à midi et demi. Je demande alors à la ronde si nous attendons le coucher du soleil pour partir.
Dans cette journée de voyage entre Phalodi et Jaisalmer l’arrêt à Ram Deora temple célèbre dans la région, était prévisible. Arrêt dévotion auquel je ne participe pas (étant venue maintes fois dans ces lieux) mais où je reste dans l’allée qui mène au temple pour regarder les femmes faire leurs achats et prendre quelques photos sur ce qui se passe autour de moi. 
venir au temple c'est aussi une belle occasion pour renouveler ses bracelets !

dans l'allée qui mène au temple, nombreuses sont les tentations pour les femmes !

Mais l’arrêt chez les cousins archi-lointains, les arrière-arrière grands-pères des deux familles devaient être des frères si j’ai bien compris, je n’étais pas au courant. Magnifique demeure, double entrée, la première pour le parc et les dépendances, la seconde pour la maison et le grand jardin. Demeure luxueuse et de bon goût. Beaux objets de collection, tableaux, carrelage en marbre (mais en Inde c’est d’un banal), visite de toutes les chambres, combien ? Quatre ? Toutes de couleurs différentes, situées dans l’immense couloir, aperçu du bureau et installation dans l’immense salon avec magnifique bibliothèque. La maîtresse de maison nous présente petits biscuits, sucreries, cacahuètes épicées, une fois comme on dirait en Belgique. Vous refusez par politesse et c’est tant pis pour vous. Ce ne sont pas les élections, il n’y a pas de deuxième tour.

le couloir de cette belle demeure bourgeoise
Le monsieur, charmant, était un ingénieur civil très haut placé.
Nouvelles de la famille, visite du jardin avec cénotaphe du grand-père et nous repartons.

Suite de la route, qui était bonne auparavant et qui est de nouveau en construction, agrandissement, je ne sais quoi mais toujours est-il que ça brinqueballe, ça sursaute, ça hoquète entre les trous et les bosses, il faut contourner, éviter, zigzaguer tout en prenant soin d’échapper au frôlement des camions qui fonce dans la poussière et les jappements de klaxon. Ne pas oublier que nous sommes sept dans la voiture, plus les bagages qui vont avec, la nourriture en plus (hors de question de manger au restaurant, on prépare tout pour pouvoir faire la cuisine là où on arrive).

Nous tournons à droite quelque part entre Pokaran et Jaisalmer. Enorme arc de triomphe en construction, grès sculpté finement, qui indique l’entrée du domaine qui mène au temple hindou de la déesse I Mata vénérée par la caste des rajpoutes.

le petit temple à l'entrée
tour du jardin au soleil couchant
on fait le tour du sanctuaire, au fond les fameuses chambres neuves
les petits kikis attachés aux fenêtres pour les voeux divers
la déesse I Mata

devant le sanctuaire de la déesse
le premier temple à l'entrée


Visite, prières, offrandes, puja. Le temple s’agrandit et possède un dharamsala avec une magnifique rangée de chambres neuves. J. propose que nous couchions là ce soir. Ah bon ? Et pas chez la belle-sœur de la sœur de la cousine qui est sensée nous attendre ce soir à Jaisalmer ? J. me dit que non, personne ne nous attend vraiment. Encore une fois, rien compris au film. J. est emballée à l’idée de passer la soirée ici, se promener dans le domaine immense où paissent les trente mille vaches du troupeau, admirer le coucher de soleil. Géant le coucher de soleil sur toutes ces cornes luisantes de lumière… pas osé demander qu’on s’arrête pour que je fasse la photo du siècle ! Et le dîner alors ? Le temple doit bien s’en occuper ! Nous devons pour cela passer au bureau ce que notre petite équipe fait d’un pas décidé, je traîne un peu car je me doute bien de la suite vu que personne ne se trouve dans ce temple en tant que pèlerin.
Au bureau : nous désirons coucher là ? Pas de problème ! Comme partout en Inde, jamais de problème. Mais les belles chambres ne sont pas terminées, nous vous proposons cette chambre nous dit le directeur en nous ouvrant une sombre porte dans un sombre couloir nous montrant une sombre pièce avec seule une couverture bariolée posée sur toute la surface de la pièce. Tout ça pour nous sept ? Ooooh ! Et le repas ? Voyez en face s’ils font quelque chose, de l’autre côté de la place.
Nul besoin de concertation, tout le monde est du même avis, nous remontons tous les sept dans la voiture, direction Jaisalmer et je rate ma belle photo de soleil couchant sur têtes de buffles.
H1. le fils de J. qui a pris le volant me demande ce qu’on peut voir en arrivant à Jaisalmer. Comme je commence à savoir que les Indiens n’ont aucune notion du temps, je lui fais une proposition de s’arrêter à Ghadi Sar lake tout en sachant qu’il fera tellement sombre quand nous y arriverons que ce n’est pas la peine d’y penser. Nous ne nous y arrêterons que le surlendemain sur le chemin du retour.

le surlendemain au bord du lac Gadhisar
On stoppe quand même à quelques pas de ce lieu pour savoir où aller car J. qui a visité cette famille de cousins il y a quelques mois n’a pas l’adresse ni le numéro de téléphone et ne sait plus par où passer. Intéressant. Vingt minutes et dix coups de fil plus tard, elle finit par avoir quelques infos : le nom et le lieu. Bien joué ! Mais comment trouver la maison de K.S.S. à Amar Sagar dans la nuit noire quand le lieu s’étend sur des kilomètres avec d’innombrables petites routes partant dans tous les sens au milieu du désert ? D’échoppe de thé encore ouverte en épicerie qui plie bagages, de conducteur de rickshaw complaisant en piéton compatissant, J. finit par reconnaître la maison. Ouf ! On ne couchera pas dehors ce soir.
On nous ouvre le portail de la maison des invités et J., sa sœur G. et la grand-mère de la maison dont je ne connaîtrai pas l’arbre généalogique, se mettent à papoter devant une tasse de thé indien. H2 (la femme de H1, le fils de J.) se tient coite dans un coin du salon, son voile rose rabaissé sur ses yeux de bonne jeune mariée obéissante et moi, quasi en face d’elle sur le sofa qui essaie d’attraper son regard. La conversation va bon train à côté. Petit signe de connivence avec H2 qui lève enfin les yeux mais je dois m’y reprendre à trois fois avant qu’elle ne m’adresse un petit sourire contrit. Je lui lance un gros clin d’œil en lui demandant par gestes discrets de venir me rejoindre. Petit signe d’impuissance. J’insiste en sortant délicatement le coin de mon album de sudoku, elle se laisse convaincre et vient me retrouver sur le sofa à petits pas compassés dans sa belle robe bleue satinée.
Complices dans nos sudoku nous laissons se débobiner les conversations en face de nous. Je me demande combien de temps ça va durer, si on va pouvoir manger, coucher ici, car le temps passe et il est déjà 21 heures.
Enfin on nous invite à passer de la maison des invités à la maison de famille, en face, de l’autre côté de la route, ce qui est une mesure de faveur et c’est bien parce qu’on est de la famille.
Cette traditionnelle famille rajpoute m’explique G. la sœur cadette de J. maintient encore la bien conservatrice habitude du purdah (censée ne plus exister depuis l’Indépendance) qui fait qu’on cache les femmes dans la maison.
Je prends note et plaint la pauvre femme qui n’arrête pas de recevoir des invités et qui n’en profite même pas, toujours dans la cuisine à préparer quelque chose et ne peut même pas tendre une oreille pour écouter ce qui se dit. C’est la grand-mère qui s’occupe des conversations et tout ça dans la maison des invités. Le personnel s’occupe du service. Heureusement, cette fois les trois femmes s’occupent de la cuisine avec elle et se racontent les derniers potins.
dans la belle grand cuisine, bien aménagée, les femmes s'activent pour le repas
 Mais pas question de coucher dans la maison familiale qui a des chambres libres. Le mari n’est pas là. Nous repartons dans la maison des invités, le jeune couple prendra la chambre avec la salle de bains, et les cinq autres, à savoir J. sa sœur G. et ses deux enfants, la fille 22 ans, fine comme une brindille, artiste peintre, et le fiston galopin 7 ans ½ ainsi que moi, occuperont le salon. Nous nous partageons l’espace entre le lit king size et les sofas et pour ma petite envie au milieu de la nuit j’irai comme les chiens marquer mon territoire dans la cour.

A chaque séjour en Inde, de nouvelles découvertes, façon de vivre, de recevoir, d’inviter…
Seul le partage de l’intimité dans une famille indienne permet de se rendre compte réellement de la condition de la femme, de la façon d’éduquer les enfants, les différences entre pauvres et riches, les traditions de castes.
Mais ici aussi il y a du changement. Je vais dire à J. qu’elle arrête de se prendre pour la reine d’Angleterre en acceptant que sa belle-fille fasse une génuflexion pour lui dire bonjour. Mais après, elle va me dire que les traditions se perdent.

2 commentaires:

  1. Ah merde ! Tiens je l'ai lâché tant pis ! Trop trop forte Madeleine, je vis chaque description comme si j'y étais, c'est tellement ça le grand décalage, à mourir de rire... et de chagrin parfois :( Ah, les plans foireux avec la famille, m'y suis perdue plus d'une fois lorsqu'on me vantait, par exemple, les qualités d'un frère tailleur pour couper mes tuniques et qu'on m'emmenait chez le tailleur du quartier... qui bossait très bien au demeurant
    ! Comme toi, j'ai vite compris qu'il ne fallait PAS CHERCHER A COMPRENDRE ;) Mais alors qu'est-ce que je rigole en te lisant, ça me rappelle tant de situations drôles, après, j'en conviens. Ah vivement que tu mes les racontes à vois hautes, jadoooore :))) Bizzz

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  2. oui, il est certain que quand on connait le pays on apprécie à sa juste valeur et on voit tout ce que ça recouvre !

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