l'office du tourisme à Aurangabad |
Padmani, Vajrapani, j’ai leurs
noms et leurs beaux visages devant les yeux depuis une heure. Ces belles
déesses des fresques d’Ajanta ornent la réception de l’Office du Tourisme
d’Aurangabad où j’attends mon rendez-vous, le Président du « Marathwada
Handicrafts and Cultural Development Society », qui s’occupe donc du
développement de l’artisanat et de la culture sous la tutelle du Ministère des
Textiles du gouvernement indien. Celui avec qui j’avais discuté lundi dernier
et avec qui j’ai donc pris rendez-vous, occasion à ne pas rater !
Padmini dans les grottes d'Ajanta |
Petit tour aux toilettes
installées à l’extérieur sur un ramassis d’ordures. Belle image de marque pour
l’office du tourisme de la capitale du district du Marathwada et pour une ville comme Aurangabad déclarée capitale touristique du Maharashtra. Tout est
odieusement sale, délabré, mal entretenu, aucune poubelle, tout le monde jette
ses ordures devant la porte des toilettes, facile pourtant d’installer un
carton. Un bidonville indien est dix fois plus propre et mieux tenu.
après la beauté, la saleté des toilettes de l'office du tourisme (vue de loin quand même) |
L’Inde est
incompréhensible dans sa négation d’hygiène élémentaire et son accueil du
public. J’en ferai la remarque à mon hôte et en me regardant d’un air désolé me
dit : allez le dire aux officiels à l’étage… cela fait des années que je
leur dis.
De même pour le bureau de
réservation de billets divers, bus, train, avion. Super, j’ai un billet de
train à acheter, ça va me gagner du temps. L’agent, qui n’a même pas un
ordinateur dans son bureau, me répond courtoisement que pour acheter mon billet
je dois aller à l’office des réservations à la gare, guichet n° 1. Voilà une
information intéressante, mais à quoi sert ce monsieur sinon à lire son journal
après avoir fait son petit ménage matinal ?
Mon rendez-vous de 8 h 30 n’est
toujours pas là, il arrive, me dit-on, il est 9 h 30. C’est l’heure indienne.
Je me réjouis donc d’avoir décidé
de prendre tout ce qui m’arrive comme un jeu et avec bonheur. Sinon, je
comprends qu’en Inde on puisse « péter les plombs », devenir
facilement odieux et croire qu’on se fiche de vous. Mais pas du tout :
« Guest is God » est-il répété partout, ici, l’invité est dieu, roi
chez nous (seulement).
Monsieur le Président arrive en
me disant bonjour en français avec un brave sourire. Allez, pardonné pour le
retard ! Finalement ce n’est pas pour voir le tissage dans sa famille mais
un petit village à une quinzaine de kilomètres, où sont préparés les fils de
soie.
Nous partons, je pensais qu’il
avait son véhicule personnel, oui, c’est une petite moto, pas de casque
évidemment. Il me teste un peu en tant que passagère mais j’ai des milliers de
km en moto dans les fesses, je ne frémis à aucun passage de camion tonitruant
ni bouge le moindre orteil à des croisements où on se demande bien comment
marchent les priorités ici… c’est toujours le plus gros qui prime. Bref, je
suis la passagère idéale, ce dont il me félicitera au retour !
Nous traversons toute la ville
nouvelle, puis la ville ancienne avec ses murailles et ses portes pour
ressortir dans la campagne bien construite de partout. Aurangabad est l’une des villes du Maharashtra qui s’étend le plus rapidement ! Les conditions socio-économiques sont mauvaises : taux d'alphabétisation : 57 % pour les hommes et 40 % pour les femmes, 49 pour mille de mortalité infantile ! Les infrastructures
ne suivent pas et mon conducteur, tout en zigzaguant entre les nids de poule
(je comprends sa crainte de départ…) me dit qu’il peste depuis vingt ans contre
le gouvernement pour améliorer l’état des routes mais que la corruption règne
ici en maître et que 90 % des subventions disparaissent dans les poches des
membres du gouvernement et des ministres. Il est ravi de l’avancée du parti
anti-corruption qui vient de gagner brillamment les élections à Delhi et me dit
que cela lui redonne de l’espoir. Ca va, je me sens en confiance pour
discuter !
Dans le petit village, vraiment
dans la campagne traditionnelle, nous rencontrons deux femmes qui
habituellement dévident les cocons. Mais tout ne sera prêt que fin mars, les
vers sont en train de grossir… En attendant elles travaillent à la briqueterie.
En saison, 70 kg de cocons par jour sont traités ici, nécessitant 1000 litres d'eau |
Fils de soie sur les dévidoirs |
Elles habitent deux petites pièces minuscules et attendent que le
gouvernement termine les « logements sociaux » construits juste à
côté. Ce qui veut dire une seule pièce d’une vingtaine de m2 pour la famille.
Pas d’autre choix.
à droite les logements des deux femmes, à gauche les "logements sociaux" A vrai dire je n'ai pas vu une grande différence ! |
A quelques pas de là, une petite maison en terre, des
couvertures qui prennent le soleil et quelques poules. Là vit et travaille la
famille d’un des derniers artisans du coin qui fabrique petits objets
souvenirs, comme des éléphants, coupe-papier,
petits vases, théière spéciale appelée Omar Qyyam, du nom d’un poète
persan qui buvait son thé dans ce récipient, boucles d’oreilles.
incrustation de fil d'argent pur |
la théière Omar Qyyam |
Fabriqués avec
10 % de cuivre et 90 % de zinc, chauffés et bouillis, les éléments sont coulés
puis sculptés en creux délicatement pour ensuite y introduire un fil d’argent
pur. C’est semblable au damasquinage de Tolède. Son fils apprend la technique
mais va encore au lycée pour le moment.
Nous continuons la visite du
quartier et rencontrons un travailleur social qui travaille ici aussi bien au
niveau de l’éducation, de l’emploi, de l’environnement, en faisant par exemple
des plantations d’arbres pendant la mousson. Ne parlons pas de reforestation,
la région manque drastiquement d’eau et depuis une dizaine d’années les
moussons se font de plus en plus tardives et se terminent de plus en plus tôt.
Avant, chaque maison avait son puits qui subvenait aux besoins de la famille et
du jardin personnel. Maintenant la nappe phréatique est descendue à plus de
cent mètres, les puits sont à sec, les gens sont obligés d’acheter toute leur
eau, 50 roupies (un euro vaut à ce jour autour de 65-70 roupies) le grand bidon
bleu.
le camion citerne qui vient remplir les bidons bleus disposés dans les rues (non, c'est pour boire... pas pour déposer les ordures) |
le petit village avec les bidons bleus qui attendent le remplissage |
L’eau est censée être potable et est apportée par les camions-citernes,
camions que l’on voit ici partout sillonner les campagnes. Malgré cet état de
pénurie et de sécheresse il me dit que les gens ici se fichent complètement de
l’environnement. Manque crucial d’éducation et de prise de conscience. Mon
interlocuteur m’explique qu’ici la différence entre la ville et la campagne
reste importante, que si les nouvelles idées arrivent à progresser en ville,
les campagnes, elles n’ont pas bougé. On continue de jeter les ordures dans
tous les points d’eau…
Instituteur avant de prendre ce
travail de promotion de l’artisanat, Mohamed Bareque Ali Khan a 48 ans,
militant de longue date, il se bagarre depuis trente ans pour plus d’égalité,
moins de corruption, et se met au service des autres. Merci pour m'avoir fait partager cette matinée intéressante.