Qu’y a-t-il de plus pressant, de
plus intéressant, de plus sentimental, de plus attendu par des milliers de
dévots de par le monde que d’être embrassé par Amma, d’avoir comme il est dit
dans la tradition hindouiste son « darshan », sa vision, c’est-à-dire
pouvoir la voir, être à ses pieds, la toucher, se faire toucher ? Chose
incroyable en Inde car aucun sage ne touche leurs disciples en principe, encore
moins les embrasse en public. Là, pas de castes, pas de sexes, pas de
religions, pas de classes sociales, tout le monde, du bébé de quelques jours au
grand-père en fauteuil roulant, passe dans ses bras. Treize millions de
personnes y sont déjà passé et jamais personne n’égalera son record
d’embrassades car elle pratique quatre jours par semaine quand elle est dans
son ashram et tous les jours lorsqu’elle est en tournée, en Inde et dans le
monde entier. Cela pendant des heures. Admiration réelle pour cette performance
humaine.
Dans le grand hall de l’ashram un
écran géant montre en temps réel ses gestes, ses regards, ses paroles, les
personnes qu’elle reçoit dans son giron accueillant. Un tour de rôle est
également organisé pour chaque résident afin qu’il puisse s’asseoir au moins 30
minutes dans la salle près d’elle.
Tous ceux qui ont pris un ticket
ce matin pour pouvoir passer dans ses bras dans la journée viennent à l’heure
prévue pour faire la queue et jouer aux chaises musicales : en fond, les
musiciens, les chanteurs et chanteuses avec des bhajans (chants dévotionnels)
entraînants et toniques, et nous qui sautons de chaise en chaise jusqu’à
l’arrivée aux pieds d’Amma. Cela peut prendre dix minutes comme trois heures en
fonction des discussions qu’elle a avec les uns et les autres, les Indiens
étant très friands pour lui raconter leurs histoires de famille, le temps
qu’elle prend à jouer avec les bébés pendant que les papas très fiers les
prennent en vidéo, les enfants à qui elle donne de petits livres et qui lui
apportent des dessins.
Pleine d’attentions pour tous
surtout en début de journée et avec les Indiens de la région, elle passe
ensuite la plupart du temps en discussion avec son entourage probablement à
régler des questions diverses sur l’ashram, la construction de maisons pour les
pauvres ou sa prochaine tournée, qui sait ? pendant que les occidentaux
atterrissent la tête sur ses genoux, attendant vainement l’illumination ou
l’éclair divin qui pourra anéantir notre ego. Je passe ainsi un bon moment à
attendre qu’elle finisse sa discussion avant de sentir qu’elle me murmure trois
fois à l’oreille un petit mot gentil et en me glissant dans la main une petite
banane et un bonbon entouré d’un papier officiel « prasad d’Amma »,
ainsi qu’une petite enveloppe marron contenant des cendres sacrées à me mettre
sur le front lorsque je ferai mes pujas.
Et me voilà retournant dans le
flot des inconnus bénis du jour.
Amma a commencé ce matin à 11
heures, elle va terminer vers 22 heures, ne s’est arrêté que pour ses besoins
les plus élémentaires, a été nourrie et abreuvée à intervalles réguliers sans
qu’elle s’arrête de recevoir les gens. Nous sommes bien loin de la vie saine
préconisée dans l’ashram suivant où il est bon de partager sa vie en trois
parties dans les 24 heures pour le sommeil, les activités et la vie
spirituelle.
Amma dit qu’elle a des flots d’amour
à donner mais parfois on aimerait peut-être en avoir un peu moins mais avec
plus d’attention. C’est pour nous parfois un peu difficile à supporter, ne pas
être au centre de l’attention ! Mais nous avons eu la chance d’avoir la
bénédiction d’Amma dans son fief d’Amritapuri au Kerala, de rester près d’elle
dix fois plus de temps que les occidentaux qui viennent la rencontrer en
France. Amma, une image de « sainte » assez controversée, mais
touchante dans son humanité et qui sait prendre des fous rires délicieux avec
des yeux pétillants d’amour.
La vie dans son ashram, pour la
« touriste ordinaire » que je représente, m’a fait penser à une
immense gare de triage. On y trouve des TGV, des personnes qui viennent faire
une « sadhana » ici, une vraie démarche spirituelle et qui passent
des mois et des années près d’Amma. On les reconnaît souvent, pour les femmes,
au fait qu’elles sont plutôt lumineuses mais maigres… Peu de sommeil quand il
faut la suivre dans les tournées, toujours au service et dans les pratiques
quotidiennes. Il y a les trains express régionaux, ceux qui ont rencontré Amma,
désirent donner un sens à leur vie, et viennent de temps en temps, se
raccrochant à des programmes. Puis il y a les tortillards de campagne, ceux,
surtout celles, qui passent du bon temps ici, le climat est agréable, la mer à
côté, la nourriture bonne et accessible financièrement si on ne choisit pas la
nourriture fournie gratuitement par l’ashram un peu épicée pour nos estomacs
délicats. Et ces dames se retrouvent sous les arbres à papoter souvent en
dégustant leur brownie et leur tasse de thé. Pourquoi pas, c’est toujours mieux
que de faire les soldes avec compulsion…
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Le gigantesque ashram d'Amma vu de l'autre rive des backwaters (photo Sadat K.) |
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Le pont qui passe au-dessus des backwaters et qui relie l'ashram situé sur la presqu'île et la terre ferme, où se trouve la grande université fondée par Amma (photo Sadat K.) |
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