vendredi 27 février 2015

Dans les environs d’Aurangabad


l'office du tourisme à Aurangabad
Padmani, Vajrapani, j’ai leurs noms et leurs beaux visages devant les yeux depuis une heure. Ces belles déesses des fresques d’Ajanta ornent la réception de l’Office du Tourisme d’Aurangabad où j’attends mon rendez-vous, le Président du « Marathwada Handicrafts and Cultural Development Society », qui s’occupe donc du développement de l’artisanat et de la culture sous la tutelle du Ministère des Textiles du gouvernement indien. Celui avec qui j’avais discuté lundi dernier et avec qui j’ai donc pris rendez-vous, occasion à ne pas rater !
Padmini dans les grottes d'Ajanta
Petit tour aux toilettes installées à l’extérieur sur un ramassis d’ordures. Belle image de marque pour l’office du tourisme de la capitale du district du Marathwada et pour une ville comme Aurangabad déclarée capitale touristique du Maharashtra. Tout est odieusement sale, délabré, mal entretenu, aucune poubelle, tout le monde jette ses ordures devant la porte des toilettes, facile pourtant d’installer un carton. Un bidonville indien est dix fois plus propre et mieux tenu. 

après la beauté, la saleté des toilettes de l'office du tourisme (vue de loin quand même)
L’Inde est incompréhensible dans sa négation d’hygiène élémentaire et son accueil du public. J’en ferai la remarque à mon hôte et en me regardant d’un air désolé me dit : allez le dire aux officiels à l’étage… cela fait des années que je leur dis.
De même pour le bureau de réservation de billets divers, bus, train, avion. Super, j’ai un billet de train à acheter, ça va me gagner du temps. L’agent, qui n’a même pas un ordinateur dans son bureau, me répond courtoisement que pour acheter mon billet je dois aller à l’office des réservations à la gare, guichet n° 1. Voilà une information intéressante, mais à quoi sert ce monsieur sinon à lire son journal après avoir fait son petit ménage matinal ?

Mon rendez-vous de 8 h 30 n’est toujours pas là, il arrive, me dit-on, il est 9 h 30. C’est l’heure indienne.
Je me réjouis donc d’avoir décidé de prendre tout ce qui m’arrive comme un jeu et avec bonheur. Sinon, je comprends qu’en Inde on puisse « péter les plombs », devenir facilement odieux et croire qu’on se fiche de vous. Mais pas du tout : « Guest is God » est-il répété partout, ici, l’invité est dieu, roi chez nous (seulement).
Monsieur le Président arrive en me disant bonjour en français avec un brave sourire. Allez, pardonné pour le retard ! Finalement ce n’est pas pour voir le tissage dans sa famille mais un petit village à une quinzaine de kilomètres, où sont préparés les fils de soie.
Nous partons, je pensais qu’il avait son véhicule personnel, oui, c’est une petite moto, pas de casque évidemment. Il me teste un peu en tant que passagère mais j’ai des milliers de km en moto dans les fesses, je ne frémis à aucun passage de camion tonitruant ni bouge le moindre orteil à des croisements où on se demande bien comment marchent les priorités ici… c’est toujours le plus gros qui prime. Bref, je suis la passagère idéale, ce dont il me félicitera au retour !
Nous traversons toute la ville nouvelle, puis la ville ancienne avec ses murailles et ses portes pour ressortir dans la campagne bien construite de partout. Aurangabad est l’une des villes du Maharashtra qui s’étend le plus rapidement ! Les conditions socio-économiques sont mauvaises : taux d'alphabétisation : 57 % pour les hommes et 40 % pour les femmes, 49 pour mille de mortalité infantile ! Les infrastructures ne suivent pas et mon conducteur, tout en zigzaguant entre les nids de poule (je comprends sa crainte de départ…) me dit qu’il peste depuis vingt ans contre le gouvernement pour améliorer l’état des routes mais que la corruption règne ici en maître et que 90 % des subventions disparaissent dans les poches des membres du gouvernement et des ministres. Il est ravi de l’avancée du parti anti-corruption qui vient de gagner brillamment les élections à Delhi et me dit que cela lui redonne de l’espoir. Ca va, je me sens en confiance pour discuter !

Dans le petit village, vraiment dans la campagne traditionnelle, nous rencontrons deux femmes qui habituellement dévident les cocons. Mais tout ne sera prêt que fin mars, les vers sont en train de grossir… En attendant elles travaillent à la briqueterie.
En saison, 70 kg de cocons par jour sont traités ici, nécessitant 1000 litres d'eau

Fils de soie sur les dévidoirs
 Elles habitent deux petites pièces minuscules et attendent que le gouvernement termine les « logements sociaux » construits juste à côté. Ce qui veut dire une seule pièce d’une vingtaine de m2 pour la famille. Pas d’autre choix. 
à droite les logements des deux femmes, à gauche les "logements sociaux"
A vrai dire je n'ai pas vu une grande différence !
A quelques pas de là, une petite maison en terre, des couvertures qui prennent le soleil et quelques poules. Là vit et travaille la famille d’un des derniers artisans du coin qui fabrique petits objets souvenirs, comme des éléphants, coupe-papier,  petits vases, théière spéciale appelée Omar Qyyam, du nom d’un poète persan qui buvait son thé dans ce récipient, boucles d’oreilles. 

incrustation de fil d'argent pur
la théière Omar Qyyam
Fabriqués avec 10 % de cuivre et 90 % de zinc, chauffés et bouillis, les éléments sont coulés puis sculptés en creux délicatement pour ensuite y introduire un fil d’argent pur. C’est semblable au damasquinage de Tolède. Son fils apprend la technique mais va encore au lycée pour le moment.
Nous continuons la visite du quartier et rencontrons un travailleur social qui travaille ici aussi bien au niveau de l’éducation, de l’emploi, de l’environnement, en faisant par exemple des plantations d’arbres pendant la mousson. Ne parlons pas de reforestation, la région manque drastiquement d’eau et depuis une dizaine d’années les moussons se font de plus en plus tardives et se terminent de plus en plus tôt. Avant, chaque maison avait son puits qui subvenait aux besoins de la famille et du jardin personnel. Maintenant la nappe phréatique est descendue à plus de cent mètres, les puits sont à sec, les gens sont obligés d’acheter toute leur eau, 50 roupies (un euro vaut à ce jour autour de 65-70 roupies) le grand bidon bleu. 
le camion citerne qui vient remplir les bidons bleus disposés dans les rues
(non, c'est pour boire... pas pour déposer les ordures)
le petit village avec les bidons bleus qui attendent le remplissage
pauvreté du village et des infrastructures.
L’eau est censée être potable et est apportée par les camions-citernes, camions que l’on voit ici partout sillonner les campagnes. Malgré cet état de pénurie et de sécheresse il me dit que les gens ici se fichent complètement de l’environnement. Manque crucial d’éducation et de prise de conscience. Mon interlocuteur m’explique qu’ici la différence entre la ville et la campagne reste importante, que si les nouvelles idées arrivent à progresser en ville, les campagnes, elles n’ont pas bougé. On continue de jeter les ordures dans tous les points d’eau…
Instituteur avant de prendre ce travail de promotion de l’artisanat, Mohamed Bareque Ali Khan a 48 ans, militant de longue date, il se bagarre depuis trente ans pour plus d’égalité, moins de corruption, et se met au service des autres. Merci pour m'avoir fait partager cette matinée intéressante.

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