Puis afin d’aider à éloigner stress et fatigue et donner
un sommeil paisible, une musique lénifiante à base de piano, xylophone et
orchestration douceâtre donne à la perfection cette « musique
d’aéroport » permettant de masquer la soufflerie de la climatisation. Quant
aux vampires, je reconnais que c’est plus difficile à voir malgré le manque de
têtes d’ail mais il y a quelques regards carnassiers qui laissent imaginer des
canines proéminentes. Où sont-ce peut-être ceux qui, à l’entrée de l’aéroport,
m’ont proposé une nuit d’hôtel pour mille cinq cents roupies puis devant ma
négation et mon « too much » baissent sans discuter à mille roupies
avec aller-retour en taxi et petit déjeuner inclus. Méfiante, je préfère une
nuit blanche à l’aéroport, car qui me dit qu’une fois dans le taxi, j’irai
vraiment passer une nuit paisible à l’hôtel ? D’accord, j’ai parfois trop
d’imagination mais ma grand-mère m’a toujours répété « prudence est mère
de sûreté » et quand on est seule, inutile de chercher l’aventure, elle se
présente à vous au quotidien.
Ma nuit commence vers 21 h 30
après avoir quitté rapidement le groupe, le cœur gros, à l’aéroport
international et pris la navette pour l’aéroport domestique. Je cherche une
place pour m’allonger mais ici que des rangées de chaises avec des accoudoirs
métalliques si bien travaillés qu’on ne peut passer ni la tête ni les pieds
dessus, dessous ou à travers. Ca devient comme en France pour éviter que les
SDF couchent sur les bancs publics ; dans les écoles de design on
travaille maintenant sur la recherche de l’inconfort. Quelle société d’égoïstes
sommes-nous devenus ?
Pour une position assise un peu
plus accueillante je monte au petit café du premier étage, lumière tamisée,
personne et je trouve un fauteuil plus enveloppant.
Premier micro-somme qui se
termine par l’évacuation obligatoire à 23 h30 pour cause de fermeture.
Je redescends, cherche des places
vides et trouve, bonheur ! Quasiment trois rangées inoccupées au bout de
l’aéroport. Hop ! Les jambes en l’air sur le sac, la capuche du sweater
sur le nez et c’est reparti pour le deuxième micro-somme jusqu’à l’arrivée
d’une grande famille indienne, la « joined family » typique :
les grands-parents, les deux frères et leurs épouses, leurs bébés. Ce petit
monde se pose gentiment à côté de moi, sourires réciproques, nous allons
prendre le même avion, c’est bon, si je dors ils me réveilleront pour ne pas
manquer le départ.
Le nourrisson grogne à
intervalles réguliers pour avoir le sein et se calme aussitôt rassasié.
Troisième micro-somme. Et soudain, alors que nous avons passé une semaine en
ashrams, chants sacrés, méditation, à 3 h 10 du matin, c’est
l’illumination ! Mais… seulement pour la salle d’enregistrement. Tout
s’allume brusquement et partout avec cette belle et vaillante lumière
artificielle qui est faite pour vous réveiller si par hasard vous aviez eu le
bon goût de sommeiller un peu.
Cerise sur le gâteau, mon vol a
été retardé jusqu’à 6 h 15, heureusement, je n’ai pas de rendez-vous
d’affaires, personne ne m’attend à l’arrivée, la parfaite tranquillité donc.
Les comptoirs d’enregistrement s’ouvrent, quelques blondes occidentales passent
et repassent en buvant un café, le bébé s’est endormi, la jeune maman aussi.
J’écris…
J’enregistre mon sac, 15 kg
autorisés, j’en ai 16, ça passe, merci au groupe qui m’a allégée en me prenant
quelques vêtements devenus inutiles et superflus. En salle d’embarquement, un
écran télé géant diffuse entre deux publicités pour des cheveux soyeux et des
boissons sucrées d’horribles extraits de films Bollywood assez sadiques. Les
enfants regardent ça les yeux grands ouverts et on va s’étonner de la violence
de l’Inde. Gandhi, au secours !
Les charmantes hôtesses de l’air
en minijupe bleu-marine filent préparer leurs avions.
Le vol a été reprogrammé pour 6 h
15 mais à 6 h 10, tout le monde est assis, ficelé, et nous partons. Cinq
minutes d’avance avec une heure de retard. Cela résume à peu près bien la
problématique de l’Inde actuelle mise en image cette semaine par la page de
couverture de « The Economist » acheté au kiosque à journaux de
l’aéroport de Mumbai. Un éléphant, l’Inde, avec pour bâts, des réacteurs
d’avion… et Modi, le Premier Ministre transformé en cornac. Comment va
réellement décoller ce pays ?
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