samedi 21 février 2015

Une nuit à l’aéroport



Rien de neuf au niveau créativité. On peut déjà connaître « une nuit au musée », « une nuit à l’opéra », « une nuit chez les vampires », etc. L’aéroport c’est un peu la somme de tout ça : les prévoyants et les habitués, souvent les deux à la fois, ceux qui doivent passer la nuit à attendre un vol en sachant que si l’extérieur a une température tropicale, l’intérieur est une vraie glacière et ils prévoient donc une couverture en polaire pour se transformer en momie.
Puis afin d’aider à éloigner stress et fatigue et donner un sommeil paisible, une musique lénifiante à base de piano, xylophone et orchestration douceâtre donne à la perfection cette « musique d’aéroport » permettant de masquer la soufflerie de la climatisation. Quant aux vampires, je reconnais que c’est plus difficile à voir malgré le manque de têtes d’ail mais il y a quelques regards carnassiers qui laissent imaginer des canines proéminentes. Où sont-ce peut-être ceux qui, à l’entrée de l’aéroport, m’ont proposé une nuit d’hôtel pour mille cinq cents roupies puis devant ma négation et mon « too much » baissent sans discuter à mille roupies avec aller-retour en taxi et petit déjeuner inclus. Méfiante, je préfère une nuit blanche à l’aéroport, car qui me dit qu’une fois dans le taxi, j’irai vraiment passer une nuit paisible à l’hôtel ? D’accord, j’ai parfois trop d’imagination mais ma grand-mère m’a toujours répété « prudence est mère de sûreté » et quand on est seule, inutile de chercher l’aventure, elle se présente à vous au quotidien.
Ma nuit commence vers 21 h 30 après avoir quitté rapidement le groupe, le cœur gros, à l’aéroport international et pris la navette pour l’aéroport domestique. Je cherche une place pour m’allonger mais ici que des rangées de chaises avec des accoudoirs métalliques si bien travaillés qu’on ne peut passer ni la tête ni les pieds dessus, dessous ou à travers. Ca devient comme en France pour éviter que les SDF couchent sur les bancs publics ; dans les écoles de design on travaille maintenant sur la recherche de l’inconfort. Quelle société d’égoïstes sommes-nous devenus ?
Pour une position assise un peu plus accueillante je monte au petit café du premier étage, lumière tamisée, personne et je trouve un fauteuil plus enveloppant.
Premier micro-somme qui se termine par l’évacuation obligatoire à 23 h30 pour cause de fermeture.
Je redescends, cherche des places vides et trouve, bonheur ! Quasiment trois rangées inoccupées au bout de l’aéroport. Hop ! Les jambes en l’air sur le sac, la capuche du sweater sur le nez et c’est reparti pour le deuxième micro-somme jusqu’à l’arrivée d’une grande famille indienne, la « joined family » typique : les grands-parents, les deux frères et leurs épouses, leurs bébés. Ce petit monde se pose gentiment à côté de moi, sourires réciproques, nous allons prendre le même avion, c’est bon, si je dors ils me réveilleront pour ne pas manquer le départ.
Le nourrisson grogne à intervalles réguliers pour avoir le sein et se calme aussitôt rassasié. Troisième micro-somme. Et soudain, alors que nous avons passé une semaine en ashrams, chants sacrés, méditation, à 3 h 10 du matin, c’est l’illumination ! Mais… seulement pour la salle d’enregistrement. Tout s’allume brusquement et partout avec cette belle et vaillante lumière artificielle qui est faite pour vous réveiller si par hasard vous aviez eu le bon goût de sommeiller un peu.
Cerise sur le gâteau, mon vol a été retardé jusqu’à 6 h 15, heureusement, je n’ai pas de rendez-vous d’affaires, personne ne m’attend à l’arrivée, la parfaite tranquillité donc. Les comptoirs d’enregistrement s’ouvrent, quelques blondes occidentales passent et repassent en buvant un café, le bébé s’est endormi, la jeune maman aussi. J’écris…

J’enregistre mon sac, 15 kg autorisés, j’en ai 16, ça passe, merci au groupe qui m’a allégée en me prenant quelques vêtements devenus inutiles et superflus. En salle d’embarquement, un écran télé géant diffuse entre deux publicités pour des cheveux soyeux et des boissons sucrées d’horribles extraits de films Bollywood assez sadiques. Les enfants regardent ça les yeux grands ouverts et on va s’étonner de la violence de l’Inde. Gandhi, au secours !
Les charmantes hôtesses de l’air en minijupe bleu-marine filent préparer leurs avions.

Le vol a été reprogrammé pour 6 h 15 mais à 6 h 10, tout le monde est assis, ficelé, et nous partons. Cinq minutes d’avance avec une heure de retard. Cela résume à peu près bien la problématique de l’Inde actuelle mise en image cette semaine par la page de couverture de « The Economist » acheté au kiosque à journaux de l’aéroport de Mumbai. Un éléphant, l’Inde, avec pour bâts, des réacteurs d’avion… et Modi, le Premier Ministre transformé en cornac. Comment va réellement décoller ce pays ?

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