mercredi 18 mars 2015

Hazaribagh (Jharkhand - Inde)

Il est 22 heures, la télé braille au rez-de-chaussée de l’hôtel, les garçons parlent fort, ça résonne dans toute la montée d’escaliers, ma chambre est juste sur le palier du premier au-dessus de la réception, aux premières loges pour les échos qui ne s’arrêteront qu’à une heure du matin et je suis heureuse. Heureuse de me retrouver dans cet hôtel d’Hazaribagh qui était un peu miteux et qui est maintenant resplendissant de propreté et repeint à neuf. L’équipe de garçons de service n’a pas changé, le patron est toujours le même et ça me fait chaud au cœur de revoir tout ce monde que je connais depuis des années, qui me font des coucous avec la main, des namasté, des grands sourires… Le garçon qui vient me servir des légumes et une chapati dans ma chambre, pas le temps de chercher un restaurant, nous sommes arrivés très tard, est toujours le même, et voyant les bananes sur la table, me demande s’il peut en manger une et la dévore dans ma chambre. Soupçonnerais-je une légère faim… ou même une sous-alimentation pour ces garçons ? J’en ai tellement vu dans tous les hôtels, courir toute la journée dans les étages et manger enfin quand les clients dorment tranquilles, vers 11 heures du soir. Comme hier soir dans le Shatabdi Dehra Dun Express, dans le wagon de première classe, les garçons qui servent le goûter (thé, petits biscuits, fruits secs) puis le dîner, dévoués, serviables, jouant les équilibristes avec leur dizaine de plateaux entassés qu’ils distribuent devant chaque personne posément et qui se retrouvent assis par terre en tailleur en train de manger les plateaux restants, coincés entre les toilettes et les étagères à bagages vers 11 heures du soir… Tout ce petit peuple au service qui ne compte ni ses heures ni ses pas, certainement contents d’avoir du travail et qui vivent dans des conditions qui feraient trembler de désespoir un militant syndical.
Ce matin, pour aller plus vite, j’ai pris l’avion. Avec un effort depuis une semaine pour voyager léger : juste un sac à dos qui pèse 6, 3 kg sur la balance de l’aéroport. Je me trouve remarquable !
Une heure quinze de vol au lieu d’une nuit de train, c’est payant… surtout quand le billet d’avion est moins cher qu’un billet de TGV Lyon-Roissy. Petit coup au cœur quand amorçant sa descente vers Ranchi, la capitale de l’état du Jharkhand dans le Nord-Est de l’Inde, l’avion a remis les gaz et est remonté vers les nuages. Le pilote a simplement expliqué que l’atterrissage n’étant pas génial de ce côté, il faisait le tour pour prendre la piste dans l’autre sens… Why not ? Je ne m’étonne plus de rien. Incredible India !
A la sortie de l’aéroport, je me fais accoster par un journaliste, interview, photo.. Je serai probablement dans le journal local demain matin. (et oui, je confirme !)
L'invitée de la ville, "city guest" en titre ! de quoi donner
envie aux occidentaux d'arriver en masse...
C’est dire comme le Jharkhand qui fait pourtant des efforts démentiels au niveau de la publicité pour faire venir les touristes, a besoin de conforter son image auprès du public, surtout indien, car quel occidental va s’amuser à venir ici ? Surtout avec les dernières émeutes dans le district de Gumla où je vais justement demain ! Ceci dit, pour les amateurs de jolie campagne et de nature, de villages typiques au bord de rizières, si on sort des carrières, des mines, des bassins fétides de décantation et des villes polluées il y a des choses à voir. A condition d’être accompagné par quelqu’un du cru. Merci d'accepter l'humour au second degré !
Tourisme au Jharkhand : image bucolique de la campagne

ne pas oublier ses marchés typiques et colorés, situés en plein carrefour au milieu
de la nationale
ses temples historiques et magnifiquement sculptés
son agriculture locale originale : la récolte des fleurs de mawa pour en faire
un alcool familial (et qui aide à augmenter le pourcentage de femmes battues)

et ses levers de soleil enchanteurs pour des lendemains qui chantent, surtout des
chants de lutte pour récupérer les terres occupées par les industries minières

Trois amis m’attendent à l’aéroport, des travailleurs sociaux (Ekta Parishad et NSVK) militants pour les droits de l’Homme ce qui veut signifie ici, le droit à la terre, à l’eau, à avoir un toit sur sa tête, à la dignité, à l’hygiène (bientôt les toilettes obligatoires pour accueillir les jeunes mariées ? Ce serait bien !) et pour cela faire à longueur d’années des centaines de kilomètres de marches non-violentes pour arriver à faire plier le gouvernement pour l’application des lois déjà mises en place ! Ils m’annoncent tout de suite le programme, nous filons au Forest Meeting Hall, beau bâtiment en cours de réfection car laissé à l’abandon jusqu’à présent et réhabilité, repris en main par des militants déterminés, pour une importante réunion afin de renforcer la participation des gouvernements local et central au management de la forêt (très habitée par des peuples tribaux facilement « éjectables » face aux demandes des industriels) en Inde. Le programme est en anglais… mais les débats sont en hindi, dommage car ils semblent vraiment dignes d’intérêt, même si le mien se dilue doucement dans les brumes vaporeuses de l’endormissement. J’ai le plaisir de faire la connaissance de M. Sanjay Upadhyay, avocat à la Cour Suprême de Delhi, fervent défenseur de l’environnement qui ne m’en veut pas d’avoir fermé les yeux pendant son intervention. Sur les vingt personnes présentes, seules trois femmes sont là, bien discrètes, mais c’est un début.

pour les participants au Congrès, buffet debout sous les ombrages : gamelle de riz et
légumes avec sauce lentilles, à volonté... Nos congressistes devraient en prendre
de la graine pour faire des économies sur le budget d'organisation.

L'affiche devant le hall du Palais des Congrès
Birendra en paroles et en action et Sarju qui boit son verre au premier plan
Birendra, mon « interface » habituelle et qui me sert de traducteur, orateur qui visiblement a suscité un grand intérêt car il est vraiment du terrain, part ce soir pour une conférence nationale à Gwalior. Bonne occasion pour me débrouiller avec mes trois mots de hindi et la bonne volonté de Ram Swarup, militant éloquent en hindi, qui sait entraîner les foules, et Sarju, d’une gentillesse à faire fondre une belle-mère indienne mais intraitable sur le prix du kilo d'oranges.
Le groupe que j’accompagnai en février avait vidé ses poches à l’aéroport des roupies qui restaient sans emploi et forte de ce petit pécule nous cherchons tous les quatre avec le chauffeur comment nous pourrions dépenser cet argent utilement pour la petite école tribale que le « comité Lacim (Les amis d’un coin de l’Inde et du monde) » que j’ai monté pour ça parraine depuis déjà deux ans. Entre deux évitements de camions : « et si nous achetions des boites de crayons de couleurs ? » Puis sur l’autoroute entre Ranchi et Hazaribagh à plus de cent à l’heure (la route est bonne, c’est une deux fois deux voies) : « plutôt des cahiers ou des livres d’apprentissage de l’alphabet ? » Entre deux hoquets de peur car les phares que je vois arriver en face, non, ils ne sont PAS de l’autre côté de la séparation mitoyenne de l’autoroute, euh !…ça passe, le chauffeur zigzague, le mobile collé à l’oreille, collé aussi aux pneus par une voiture derrière qui use son klaxon sur des kilomètres, « et si on achetait des ventilateurs ? Il va commencer à faire chaud… », c’est plutôt moi qui transpire dans les sinusoïdales routières et je pense que ces gamins ont depuis toujours l’habitude de la chaleur et qu’il y a peut-être des choses plus intéressantes à acheter. Et puis avant d’arriver à Hazaribagh, en se faisant doubler par un bus local par la gauche (on roule à gauche en Inde ne l’oubliez pas) l’idée lumineuse : le soleil se couche à 18 h 30 à peu de minutes près et les gamins n’ont pas d’électricité pour faire leurs devoirs et manger. Si on trouvait des lampes solaires ? Et voilà comment je me trouve en ce moment, saine et sauve une fois de plus, en train de recharger dans ma chambre d’hôtel deux grosses lampes superbes rechargeables à l’électricité dont une en plus au soleil, que nous allons tester demain soir à l’école.
Merci aux personnes du groupe de Terre du Ciel d’apporter la Lumière ! Beau symbole ! et d'une grande utilité je peux l'assurer... voir bientôt la suite !

samedi 14 mars 2015

PS : ajout d'article par date

Je signale qu'en fonction du temps dont je dispose et des connexions internet disponibles, je complète le blog en planifiant les articles en fonction des jours réels... et donc il faut aller fouiner en regardant dans les anciens articles... comme pour le fort de Daulatabad que je viens de rajouter en date du 26 février.

Je signale aussi Sanchi en date du 3 mars...

mardi 10 mars 2015

Les tissus de Jodhpur


Je suis enfin arrivée à Jodhpur chez mon amie Jayant, qui vit, survit et supporte sa belle-mère depuis trente ans. Elle a été mariée au fils ainé, donc destinée à vivre dans sa belle-famille. « Joined family », à savoir que tous les frères et leurs épouses habitent chez les parents, là, les belles-filles sont toutes parties avec leur mari au fur et à mesure de leur incapacité à supporter la belle-mère, et finalement seule Jayant, jeune veuve a dû rester.
La belle-mère a maintenant 90 ans, presque pas une ride, quelques difficultés à marcher, mais pratique son yoga une heure chaque matin, chante ses mantras à Krishna et passe le reste du temps au téléphone. Non pas tout à fait, elle a passé sa journée à coudre des liserés sur tous les voiles enfin achetés… voir ci-dessous !
Cet après-midi c’est sortie. Elle doit aller voir le dentiste et nous partons après le déjeuner. Mais la belle-mère a d’abord décidé d’aller rendre des coupons de tissu que Jayant avait choisi et qu’elle n’aime pas (elle aurait peut-être choisi les mêmes mais c’est sa belle-fille qui l’a fait donc… elle est contre). Nous passons chercher sa fille également pour qu’elle puisse donner son avis, et nous voici donc parties, quatre femmes à faire les boutiques. Et là commence notre étrange après-midi, mais il est vrai que même en France je n’ai jamais pratiqué les boutiques avec les amies… Nous nous arrêtons devant le magasin de tissus où nous devons rendre les fameux coupons. La belle-mère met quand même quelque temps à grimper les marches du magasin et s’assoit en soufflant dans le fauteuil qui lui est tendu.

Après commence la valse des rouleaux de tissus pour choisir de nouveaux coupons. La belle-mère a une invitation pour une lecture de la Bhagavad Gita (ce qui équivaudrait chez nous à une lecture publique des Evangiles), c’est organisé par sa famille… et un brahmane viendra faire cette lecture chez une des belles-sœurs. 
dans le premier magasin, la belle-mère et sa fille
un autre magasin, le choix est toujours aussi difficile !
Il semble traditionnel d’acheter un coupon de tissu de quatre mètres assorti avec un voile pour les proches parents invitants et il y en a huit. Nous allons au fil de l’après-midi acheter des coupons de tissus, assortir avec un voile de coton unie dans l’une des couleurs du coupon. Le jeu a donc consisté à acheter les ensembles coupon+voile dans 5 ou 6 magasins différents, à rapporter ensuite un ensemble ou un coupon ou un voile dans le magasin où il avait été préalablement acheté parce qu’on avait trouvé mieux ailleurs, soit une qualité légèrement meilleure (mais seule la belle-mère voyait la différence), peut-être un tissage un peu plus serré pour le voile, ou bien la couleur était plus orangée et allait mieux avec le dernier coupon. Bref, nous avons joué avec les paquets, les voiles, les tissus, les factures, les remboursements en sautant d’un magasin à l’autre. Et Jayant, gentiment, nous conduisant avec sa voiture déglinguée sans frein et aux pneus lisses, (je ne parle pas de l’assurance inexistante, et du « GPL » qui se trouve dans la bouteille de gaz classique installée dans le coffre) assure les transferts de voiles et de coupons avec le regard compatissant des commerçants. Et le dentiste dans tout ça ? Plus tard…
Juste, quand même pour donner une idée de l'état dans lequel peut rouler une voiture en Inde... le contrôle technique n'existe évidemment pas, sinon, il y aurait bien peu de voitures en circulation.
l'état des plaquettes de frein, enfin changées... pas étonnant
que ça grinçait !
Bien sûr qu'on peut rouler avec ça en Inde ! mais souhaitant
rester en vie, je lui ai offert deux nouvelles roues avec des pneus neufs
rouler au GPL ? facile, il suffit de mettre une bouteille de gaz
dans le coffre et de raccorder avec un tuyau. Ca marche très bien.
Nous rendons visite ensuite à un couple qui vient d’avoir un bébé. Et hop, de nouveau un coupon de tissu avec un voile offert, plus quelques billets de cent roupies. Thé traditionnel et gâteaux sont de la partie, discussions, arrheu arrheu avec le nouveau-né, et nous voilà reparties. Nous laissons la belle-sœur rentrer chez elle et nous nous arrêtons devant un magasin de téléphones, tablettes et accessoires. Bonne idée me dis-je pour changer mon téléphone mobile qui donne des signes de faiblesse. Mais non, la boutique à côté, c’est enfin le dentiste ! Il est vingt heures. La belle-mère n’en peut plus, mais qui a voulu faire le marché d’abord ? Le comique c’est qu’au bout du 3e magasin, elle restait dans la voiture et j’allais lui montrer les coupons de tissu et les voiles pour qu’elle donne son avis. Là encore difficile à comprendre (mais j’imagine que ce sont des choses qui arrivent souvent chez nous aussi) car en entrant dans un magasin pour chercher un tissu dans les tons de vert, bleu ou blanc, si possible sans fleurs, on ressortait avec un super jaune bouton d’or avec un semis de roses…
Affaire à suivre car il y a une suite… je la fais courte car pendant deux jours de suite Jayant et moi avons continué la ronde des retours, une fois un coupon, une autre fois un voile... et heureusement que nous étions toutes les deux pour nous en amuser car il y a franchement de quoi perdre le sens de l'humour...

samedi 7 mars 2015

Dessin : chez le marchand de tissus

Les discussions vont bon train entre la belle-mère et sa fille pour le choix des coupons !



mercredi 4 mars 2015

Par-ci, par-là en Inde


Par ci-par-là en Inde

La population de la ville de Mumbai (Bombay) atteint 20,5 millions d’habitants. 62 % de la population habitent dans des bidonvilles. Malgré sa croissance ces vingt dernières années, Mumbai vient d’enregistrer son plus faible taux de croissance depuis près d’un siècle. (Times of India, Bhopal, du 2-03-15)

On estime à 70 000 les enfants travaillant dans les mines de charbon des Jaintia Hills dans l’état du Meghalaya, près de l’Assam (états de l’est de l’Inde). (Times of India, Bhopal, du 2-03-15)

On sait que Gandhi dans ses marches demandaient dans les villages de construite des toilettes. Mais ce qu’on appelle en Inde « open defecation » est toujours d’actualité. Une famille d’un travailleur social vient de trouver la solution pour faire changer un peu les choses, et plus rapidement que la soi-disant bonne volonté du gouvernement. Elle n’accordera la main de leur fille que lorsque la belle-famille aura construit des toilettes correctes. Et du coup, les autres villageois ont trouvé que c’était une très bonne idée et 50 familles ont émis le même vœu ! Et les « marieurs officiels » mettent cette condition pour assurer leur service. Espérons que cette bonne idée se propage largement pour le confort de toutes ces femmes. (Times of India, Bhopal, du 4-03-15)

Les injustices et les différences entre homes et femmes commencent à se dire en Inde. Une actrice révèlent les disparités entre acteurs de cinéma et actrices qui sont payées dix fois moins que les hommes.

Tour de passe-passe et magie de l’Inde ?
Dans l’état du Madhya Pradesh, on vient de s’apercevoir que dans les statistiques 1 777 315 hectares de forêt avaient disparu… personne ne sait où ni comment. Il paraît que ça date de 1957 et que personne ne s’en était aperçu. Peut-être certains recevaient-ils des subventions du Ministère de la forêt pour l’entretien de ces terrains ? Va savoir ! (Times of India, Bhopal, 4-03-15)

Manger un beefsteak à Mumbai est un risque… Une amende  de dix mille roupies (150 euros) ou 5 ans de prison si vous êtes pris à manger, à transporter ou à commercialiser de la viande de vaches, de bœufs ou de taureaux. Seule la viande de buffle ou bufflonne est autorisée maintenant dans l’état du Maharashtra. Devenez végétarien, ça ne vous coûtera rien ! (Times of India, Bhopal, 4-03-15)

Histoire de train


Le 4 mars 2015
Le train Rewa-Indore Express est prévu à l’heure sur le quai n° 2 de la gare de Vidisha. Quelle chance ! Un train prévu à l’heure ! Je m’inquiète de la position de mon wagon, le C1, par rapport au quai et bien sûr j’ai trois réponses différentes. Je vais donc assurer le milieu.
Sur le quai un jeune futur ingénieur vient tester son anglais en me posant les questions habituelles : d’où je viens, quel âge j’ai, si je suis mariée, si j’ai des enfants. Passé la surprise et, je le sens, l’incompréhension de mon plaisir à voyager seule(1), il me demande comment en France on reconnaît qu’une femme est mariée. Non, en France on ne met pas du kumkum (poudre rouge) dans la raie des cheveux comme les hindoues, non pas de bracelets, pas de boucles d’oreille, dans le nez non plus, quoi que, s’il voyait les piercings…
On parle technologie, vitesse de train, et son projet de rejoindre ses copains à Bhopal pour fêter Holi le 6 mars. Holi est semblable à notre carnaval, la fête du printemps et du renouveau. On s’amuse à se jeter des poudres de couleur partout, à boire avec les copains, à toucher les filles. Ce jour là tout le monde est à égalité, plus de castes, plus de supérieur. Mais pour une occidentale mieux vaut ne pas sortir si on n’est pas accompagnée ou si on veut protéger sa peau de tous les produits toxiques envoyés…

(1)   A Aurangabad, avec une population musulmane pour 60 %, un groupe de jeunes musulmans m’a demandé pourquoi je ne me faisais pas accompagner par mon frère ! Car bien sûr il était évident pour eux que j’avais un frère (les musulmans ont tous des familles nombreuses) et que si le mari n’est pas là, c’est le frère qui doit accompagner sa sœur car on ne laisse jamais une femme sortir seule. Là visiblement, ils étaient plutôt traditionalistes car depuis 30 ans que je voyage en Inde c’est la première fois qu’on me pose cette question.

Je reviens à mon train que j’attends. Le train n’est déjà plus à l’heure depuis longtemps. Un long hurlement et un train passe à toute allure dans la gare, vrombit en faisant trembler le quai. Bizarre comme dans la campagne ces trains vont si lentement et que pour traverser les gares où c’est dangereux, ils mettent le turbo ! Dix minutes après, même chose… C’est donc que ces deux trains avaient du retard et que le mien a dû attendre quelque part pour les laisser passer.
Sur le quai en réfection des ouvriers attachent de nouveaux panneaux indiquant les emplacements des wagons lorsque le train s’arrête. Si mon train attend qu’ils les aient tous placés, j’ai de quoi attendre encore quelques heures à l’allure où ils vont. Dans les grandes gares, ce sont des panneaux électroniques (quand ça marche) car les trains sont tellement longs qu’il est prudent de se positionner au bon endroit. Comme pour le TGV quand vous êtes dans la voiture 18 au bout du quai, mieux vaut prévoir.
accrochage des panneaux pour la position des wagons à la gare de Vidisha
Après une heure et demie de retard, le voilà enfin et je vois le wagon C1 qui est dans les premiers… Je file vite car il n’y a que deux minutes d’arrêt. Mais la première porte du wagon est fermée à clé pas de chance, je file à l’autre bout mais c’est pareil… je reviens à la première, toujours close et le train va partir. Je monte dans le wagon suivant en tirant mon sac à toute vitesse. Franchement, le chef du wagon aurait pu regarder sa feuille de route pour savoir qui montait dans cette gare. C’est parce que c’est un wagon climatisé et pour éviter que n’importe qui monte, car le prix est plus cher dans celui-ci, les portes restent fermées et crochetées de l’intérieur… En plus au lieu de contrôler tout de suite mon billet, c’est quand je viens juste de m’endormir qu’il vient me tapoter le bras pour venir vérifier…

On file vers l’ouest et le soleil couchant est d’un rouge vif comme je n’ai jamais vu. Le ciel se décline dans tous les tons du violet au rose et c’est magnifique.

Arrivée à Ujjain avec seulement trois quarts d’heure de retard, comme c’est une grosse ville de pèlerinage, pas de souci pour trouver un hôtel à côté de la gare. Chance il a un bon restaurant végétarien. Pas de chance il est en travaux, ma chambre est neuve et jolie mais pas terminée, pas de chaise et absolument aucun crochet nulle part pour suspendre quoi que ce soit. Et le marteau piqueur à 11 heures du soir ce n’est pas ce qu’il y a de mieux pour s’endormir. Je rêve du manège enchanté…

mardi 3 mars 2015

Sanchi, grand lieu de pélerinage bouddhiste



le stupa n° 1 et le premier torana du nord
les sculptures du sommet du torana du nord
Encore un site découvert en 1818 par un officier britannique : le général Taylor. Situé tout près de Vidisha je passe par la gare pour prendre le train de 8 h 30 comme me l'avait indiqué gentiment le monsieur des renseignements de la gare. Mais visiblement il n'avait pas dû comprendre mon accent, il n'y a pas de train à cette heure-là, vous êtes sûr ? oui, pas avant dix heures. Bon, je file à la gare routière, le rickshaw s'arrête devant un gros bus en train de sortir, et c'est celui-là qui va à Sanchi. Parfait, neuf roupies pour faire les dix kilomètres, c'est rapide, pas cher et j'arrive à Sanchi, sur cet immense site qui comporte cinquante monuments dont trois stupas et des temples.

une vue du site et le stupa 3
Temples et petits stupas sur le site
Personne, même pas un chat qui traîne, le temps est parfait, je grimpe au sommet, tombe en admiration béate devant les sculptures des quatre torana immenses portiques aux quatre coins cardinaux et qui sont magnifiquement ornés de scènes diverses sur la vie de Bouddha.
le torana sud et la foule qui arrive en fin de matinée
les magnifiques sculptures sur les toranas
Le site est d'une tranquillité admirable, je suis la seule à me promener et seuls quelques balayeurs animent les allées solitaires.
deux balayeurs tranquilles pour animer l'allée

Je fais une grande promenade jusqu'au stupa n° 2 perdu au fond de la campagne et m'installe délicatement sur une pierre pour prendre le temps de le dessiner et de respirer la beauté du lieu. Non, vous n'aurez pas le dessin, il n'est pas réussi du tout !
le stupa n° 2 dans un site romantico-idyllique, et tant pis pour tous ceux qui ont
la flemme de venir jusque là !
Commencent à arriver quelques rares touristes qui se hasardent jusque là, tous les autres restent au niveau du stupa numéro 1, le plus célèbre. Un photographe, avec un immense objectif, arrive rapidement, fait le tour, mitraille à tout bout de champ, et s'en repart tandis que je continue vaillamment de crayonner et d'admirer. C'est là où je me remercie de laisser (un peu) la photo et de prendre le temps du crayon.

lundi 2 mars 2015

Dessin : gare de Bhopal

J'aime bien arriver à l'avance dans les gares, cela me permet d'être tranquille, même s'il y a peu de chance que le train soit vraiment à l'heure... et j'ai le temps de dessiner. Là le train était déjà en gare et j'ai pu m'installer tranquillement dans mon compartiment, à l'aise avec mes crayons et sans avoir une foule de gamins autour de moi !
à la gare de Bhopal
bon d'accord c'est un début, mais l'essentiel est de se faire plaisir n'est-ce pas ?


Vidisha


Vidisha n’est pas une ville « branchée ». Pas de wifi, d’internet, de cyber café. Déjà la seule occidentale dans le train entre Aurangabad et Bhopal, je me retrouve quasiment seule dans le wagon indiqué FC sur mon billet et où j’ai mis quelque temps pour me rendre compte que cela signifiait "première classe". La différence entre la première et la seconde classe, c’est le prix. En seconde on s’entasse, en première on prend ses aises.
tranquille dans mon compartiement de première classe !
Arrivée à 9 heures du matin à Vidisha, je cherche un hôtel près de la gare. A la sortie c'est déjà le choc, grand-mère que tu as de grandes dents ! c'est pour mieux te manger mon enfant ! Temple on ne peut plus accueillant...

Un rickshaw me propose un hôtel mais qui est en réparation. Et là il me laisse tomber en me demandant quand même 20 roupies pour les 200 mètres parcourus. Les hôtels suivants refusent de me donner une chambre, visiblement recevoir une étrangère c’est aussi beaucoup de paperasse et ils n’ont je suppose qu’un niveau de chambre inacceptable pour une occidentale ou tout simplement pas d'autorisation pour recevoir les étrangers. J’arrive finalement dans celui où j’aurai dû aller tout de suite tellement le panneau d’affichage en face de la gare était grand.
Je n'aurai pas dû chercher plus loin.. C'était cet hôtel qu'il me fallait !
les trois hauteurs de vitres au 1er étage, c'est ma chambre
et pour être claire elle est claire !
Belle grande chambre, vaste et claire donnant sur la rue animée par les marchés aux légumes et aux fruits. Et vraiment animés encore à 22 h 30 pour réussir à vendre le dernier kilo d’oignons et le reste de choux-fleurs.
Beau grand prix aussi plus cher qu’à Delhi… Faut pas pousser ! J’arrive à faire baisser le prix à mille roupies mais si je veux moins cher j’aurai une chambre sans lumière du jour. Choisissons donc toujours plus de clarté, même s’il faut la payer !
les fruits et légumes sous mes fenêtres...
Petit tour dans la ville, le fort qui surplombe est fermé le lundi, sinon ouvre de 10 h à 17 h. On y a une belle vue panoramique et on y trouve un tombeau musulman et un petit temple hindou à Durga. 
Face au tout petit taureau Nandi, le mausolée musulman au sommet du fort
D'en haut du fort, belle vue panoramique et vent favorable pour l'envol des cerfs-volants
Sinon, rien de spécial. Comme partout ça klaxonne, comme partout il y a des vaches dans la rue qui essaient de happer au passage quelques légumes avant de se faire sortir à coup de bâton. 

c'est toujours amusant de voir comment les vaches perturbent la circulation !
Les boutiques sont installées par corporation ou type de métiers et dans la rue suivante il y a tout pour le bâtiment, réparer sa maison, installer ses toilettes. Pratiques ces regroupements pour comparer, choisir et faire ses achats groupés.

au passage à niveau, tous types de véhicules
J’arrive au passage à niveau, fermé. Une des caractéristiques indiennes est de vouloir passer là où on ne peut pas, là où c’est interdit (comme en sens inverse sur l’autoroute, c’est d’un banal ici !), là où c’est dangereux, et c’est souvent les trois à la fois. Bref, ne jamais prendre le temps d’attendre. Cela donne un spectacle assez ahurissant de contorsionnistes qui veulent à tout prix passer sous la barrière du passage à niveau avec leur moto, leur vélo, leur scooter, leur charrette de légumes. Et c’est pour cela que les locomotives arrivent dans les villes avec leurs longs rugissements qui semblent dire : j’arrive, poussez vous vite !

le respect des passages à niveau fermés en Inde...
et la traversée des voies dans les gares au lieu de prendre la passerelle...
A la gare, je regarde avec attention une vidéo qui présente la dernière nouveauté écologique : la bio toilette dans les trains (mais lesquels, et quand ?). Du coup d’autres personnes regardent aussi, c’est bien.
La prévention est vraiment obligatoire pour ces nouvelles toilettes car on jette tout dans les actuelles du fait que le trou donne direct sur les voies, comme nos trains d’avant (oui, quand j’étais petite c’était pareil !). Les bio toilettes ont un bac de récupération, donc plus de saletés sur les voies ou qui reste accrochées au train, et ça se recycle. Encore mieux que dans les avions.
Un bon point pour ces nouvelles toilettes écologiques mais l’autre nuit, dans le train, j’arrive juste au moment où l’employé ouvrait la portière pour balancer sur les voies tout le contenu de la poubelle qui débordait. Mon air horrifié ne l’a pas intimidé le moins du monde ! On peut se dire qu’après chacun va y retrouver ses petits : les vaches et les cochons pour les ordures, les enfants pour les plastiques et papiers à recycler qui leur font gagner quelques roupies. Là aussi, trouver de grands sacs poubelles qui seraient recyclés seraient une bonne idée.
Dans l’après-midi, promenade en rickshaw à 11 km visiter les grottes de Udayagiri. Toutes petites celles-ci, quelques jolies sculptures, même époque qu’Ajanta, de toute façon les bouddhistes étaient dans toute la région et le grand stupa de Sanchi est tout à côté.
promenade au-dessus des grottes pour la vue sur la campagne avant
quelques gouttes de pluie
Une des grottes avec le taureau Nandi le véhicule de Shiva
Un extraordinaire Shiva lingam avec une tête de femme
belles sculptures sur les montants des portes
les grottes sont petites et fermées à clé pour les protéger
Une grande statue de Vishnu couché sur le cobra
On retrouve les mêmes sculptures, le sanglier avatar de Vishnou et la déesse, mais ici le regard est moins concupiscent qu’à Ellora dans la grotte 14.
dans les grottes d'Udayagiri
et le regard dévorant de l'avatar de Vishnou dans la grotte 14 d'Ellora...!
 Il tombe quelques gouttes de pluie, le rickshaw qui m’a amené n’a pas envie que je prenne le temps de me promener, donc ce sera sans regret car je n’ai rien prévu pour me protéger. Il me propose de continuer la découverte par le pilier de Khambaba. Des inscriptions en brahmi et en prakrit langages très anciens indiquent que ce pilier a été érigé en l’honneur de Garuda, en hommage au dieu Vishnou, par Heliodoros, un Grec habitant Taxila et qui était venu en Inde centrale à la cour du roi Bhagabhadra en tant qu’ambassadeur d’Antiacidas, un roi du Penjab. La colonne est datée de 150 ans avant JC. Il existait effectivement un temple à Vishnou près de la colonne, quatre siècles avant JC.
le pilier khambaba
Retour à l’hôtel en espérant le soleil demain pour Sanchi.